La moitié du Net a cru a une blague, mais Le Monde n’a pas d’humour. Il l’a prouvé en 2003, lorsque Pierre Péan et Philippe Cohen ont sorti leur Face cachée du Monde chez le grand éditeur Fayard. Un livre-torpille qui fera voler en éclats l’indépendance du journal en révélant sa soumission au Marché, son parti pris oligarchique (américano-sioniste) permanent, son abandon du social au profit du libéral, entraînant une perte croissante d’influence. Seuls les journalistes télé, sous-informés, le prennent encore totalement au sérieux.
Le Monde fut un exemple, il est devenu un repoussoir pour les lecteurs intelligents.
Le développement de l’Internet, avec la naissance de l’information non-alignée et les échanges horizontaux, portera le second coup, impactant cette fois-ci le secteur financier du journal. Lourdement endetté depuis la présidence Colombani, il n’a plus sorti la tête de l’eau depuis. La perte de crédibilité associée à la concurrence de l’information libre, avec sa croissance exponentielle impossible à juguler, ont eu raison d’un journal qui ne tient plus que sur sa (vieille) réputation, qui n’a désormais plus rien à voir avec la réalité. L’injonction de suivre la ligne oligarchique au détriment de la vérité et de la popularité, ainsi que le nouvel actionnariat de la troïka BNP (Bergé-Niel-Pigasse), ont révélé la fonction réelle de ce titre partiellement subventionné par l’État : faire tenir, coûte que coûte, les versions officielles, quitte à somber dans les contradictions, à se ridiculiser et à devoir justifier des tissus de mensonges.
C’est pourquoi, afin de se refaire une virginité, le journal a trouvé la solution de dénoncer le Vice, prenant ainsi l’air de rien le rôle de la Vertu. Le département des Décodeurs, mis à mal par ses prises de position pro-Hillary Clinton lors de la dernière campagne américaine, au détriment de toute impartialité, a décidé de jouer les juges du Net avec l’outil Décodex.
« Le Monde lance un outil pour aider les lecteurs à repérer les sites les moins fiables »
« Pour aider les lecteurs ». Ce paternalisme d’un autre âge, d’un autre siècle, prouve que la direction de ce journal a perdu tout contact avec la terre, impression confirmée par le documentaire sur son département politique que nous avons récemment analysé. Pourquoi ne pas carrément demander la suppression des sites jugés pas assez « fiables » par Sa majesté Le Monde ?
Il manquait une Haute Autorité sur le Net, la voici. Et comme toutes les Hautes Autorités, elle est inutile, coûteuse et ridicule. Le quotidien du soir, déjà largement raillé sur la Toile, n’avait pas besoin de ça. Masochisme inconscient, ignorance du niveau d’information atteint par le lecteur moyen – moyen dans le sens mathématique, pas le sens péjoratif –, on hésite sur le diagnostic. Quoi qu’il en soit, ce titre de presse, malgré ou à cause de ses centaines de journalistes, semble bien malade. Il fait penser à un phacochère boiteux qui menace la troupe de lionnes qui l’entoure de tous les feux du ciel en cas d’attaque…
Avec Les Décodeurs, créé en 2009 sous la forme d’un blog et devenu une rubrique depuis 2014, « Le Monde » s’est donné une mission, celle de la vérification de la parole publique (« fact-checking »), qu’il s’agisse de propos politiques ou de rumeurs sur le Web.
Décodex ou Déconex ?
Concrètement, Décodex c’est quoi ? Un petit moteur de recherche où l’on inscrit le site de son choix et, miraculeusement, Décodex vous dit si c’est « bien » ou « pas bien ». Un procédé infantilisant qui rappelle la fameuse scène du Pari, le film des Inconnus Didier Bourdin et Bernard Campan (1997) :
Alors, évidemment, tout ce qui fait de l’ombre au Monde et à ses affiliés c’est « pas bien ». Et ça n’a pas loupé. Le Monde (on n’a pas pu s’empêcher de taper Le Monde dans Décodex !) se considère lui-même comme « plutôt fiable », et apparaît donc en vert :
Incroyable, ça marche !
Las, joie de courte durée : impossible de savoir si laregledujeu.org de BHL est un site « bien » ou « pas bien ». Rien sur le CRIF (crif.org) non plus, dont les chiffres parfois fantasques sont pourtant repris aveuglément par les JT. Heureusement, il y a France Inter :
Les rois de la bien-pensance ont reçu une bonne note ! Malheureusement, ce n’est pas notre cas...
Pour en revenir au sérieux, comment peut-on, en 2017, oser écrire que E&R « diffuse régulièrement de fausses informations ou des articles trompeurs », sachant que nos informations, pour ce qui concerne la colonne des actualités, proviennent à 30% de la presse dite mainstream ? À ce propos, Le Monde nous ayant interdit de reprendre ses articles, nous n’en citons que de courts passages. Un tiers des actualités provient de site dits de la réinfosphère, le dernier tiers étant une production maison, 100% bio, c’est-à-dire sans colorants ni additifs oligarchiques.
Par ailleurs, nos articles de fond sont travaillés, sourcés, vérifiés ; les conférences sont le fait de spécialistes qui ont généralement écrit des livres extrêmement détaillés (sur Kontre Kulture) ; l’audience de notre site augmente constamment malgré les attaques de toutes sortes (le jugement négatif de Décodex en est une). La cohérence de nos analyses politiques et géopolitiques attire de plus en plus de lecteurs qui ont été floués par le système médiatico-politique – dont Le Monde est le symbole –, et si nous publiions la moindre information fausse ou erronée, toute la presse dominante en perte de vitesse nous tomberait sur le dos. Ce qu’elle fait déjà, sans attendre la faute.
- Bonne chance aux Décodeurs de Décodex, sur la paroi E&R !
C’est bien parce que nous offrons peu de prise à l’adversité que nous sommes autant agressés, surveillés, dénoncés. Certes, nous ne sommes pas à l’abri d’erreurs de jugement, de projections parfois imprécises (la politique n’est pas encore une science, malgré l’école du même nom qui forme les cadres du régime et les journalistes du Monde), mais notre structure informationnelle est cohérente, et de ce fait difficile à prendre en défaut.
Nous avons eu et avons encore la dent dure avec Le Monde, qui est censé montrer l’exemple en matière de sobriété, d’indépendance et de déontologie. Ce qui est loin d’être le cas : ce journal est devenu le symbole de la propagande et de la surdité, notamment sur le conflit syrien.
E&R, sans la moindre subvention (contre 19 milllions par an pour Le Monde), avec des moyens ridicules comparés aux 600 millions de budget du Monde (impossible à vérifier puisque le groupe ne communique pas dessus), arrive à 8 millions de visites mensuelles. À comparer aux 100 millions de visites sur lemonde.fr, qui dispose probablement de 100 fois nos moyens humains ou matériels.
Si nous sommes conscients que le Net regorge de sites aux informations fantasmées, non vérifiées ou invérifiables (en quoi d’ailleurs cela est-il dérangeant ?), tout le monde n’ayant pas les moyens d’embaucher la crème des journalistes issus de Sciences Po ou du CFJ (on a vu le résultat), assimiler E&R à un site « douteux » est une preuve de faiblesse. Un aveu de propagande bien dans la ligne d’un journal qui a perdu une partie de son crédit dans des choix éditoriaux désastreux, et qui dilapide par ce genre d’initiative risible (Décodex) le crédit qui lui reste encore.